Le dernier rapport du GIEC prévoit que la France connaîtra un climat de type nord-africain d’ici 2100, avec des zones urbaines gravement touchées. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’on peut empêcher ce phénomène ou, à tout le moins, apprendre à y faire face. Pour répondre à cette problématique, la région Île-de-France a pris des mesures importantes, dont le lancement de l’outil Bat’adapt en collaboration avec la mairie de Paris. Cet outil est destiné à aider les petits propriétaires et les promoteurs immobiliers à faire face aux défis à venir.
Le changement climatique et la perte de biodiversité affecteront toutes les régions, mais la région urbanisée de l’Île-de-France est particulièrement vulnérable. Depuis les années 1950, la région a déjà connu une augmentation de 2° de son microclimat. Le sixième rapport du GIEC d’avril 2022 prévoit une augmentation de 3,2° si les politiques climatiques actuelles ne sont pas mises en œuvre rapidement. La majorité des Franciliens vivent dans des zones urbaines densément peuplées, ce qui les rend plus sensibles aux effets néfastes des îlots de chaleur urbains, notamment les maladies infectieuses, les allergies respiratoires et la surmortalité des populations vulnérables. Il est donc essentiel de prendre des mesures pour résoudre ces problèmes.À l’avenir, la région Île-de-France connaîtra des vagues de chaleur et des sécheresses plus longues et plus intenses, des précipitations extrêmes et des pics de gel retardés. Ces phénomènes météorologiques extrêmes entraîneront divers problèmes, tels que la dégradation de la qualité de l’air pendant les vagues de chaleur et les inondations pendant les précipitations extrêmes. La sécheresse peut également augmenter le risque d’incendies dans les zones boisées et réduire les ressources en eau pour la boisson, l’agriculture et les équipements nucléaires.
Le deuxième risque naturel le plus fréquent en région parisienne, après les inondations, est le retrait-gonflement des argiles (RGA), qui fragilise les bâtiments et les rend inhabitables. Selon Ludovic Faytre, chargé d’études sur les risques majeurs à l’Institut d’Île-de-France, plus de 80 % du territoire francilien hors Paris est exposé aux phénomènes de RGA, touchant la quasi-totalité de la petite couronne. Par ailleurs, les trois quarts de l’Île-de-France sont situés dans des zones moyennement à fortement exposées, soit 48 % de l’échelle nationale.
Objectifs
L’Île-de-France a réagi au changement climatique en adoptant 192 mesures pour atteindre l’objectif de devenir une région ZAN (zéro artificialisation nette) et ZEN (zéro émission nette) d’ici 2040 lors de la COP d’Île-de-France en septembre 2020. Pour poursuivre cet effort, le GREC (groupe régional d’experts sur le changement climatique) en Île-de-France a été lancé en février 2021 avec trois objectifs principaux.Le premier objectif est d’actualiser régulièrement les connaissances des acteurs franciliens sur les changements environnementaux et les moyens de réduire les risques qu’ils génèrent, notamment le changement climatique, les extrêmes et aléas climatiques, l’empreinte carbone de la région, la biodiversité, la pollution, les ressources en eau, l’énergie, l’agriculture et les sols, les transports, le logement, l’urbanisme, l’évolution de la santé et des inégalités sociales, les vulnérabilités territoriales et les dynamiques sociales face aux changements environnementaux. Les décideurs disposent ainsi des informations nécessaires.
Le second objectif est de contribuer à la résilience de la région Ile-de-France face au réchauffement climatique et aux extrêmes climatiques, à la fragilisation des écosystèmes, à la perturbation des circuits économiques et aux impacts socialement inégalitaires de tous ces bouleversements. Le GREC collabore avec les parties prenantes pour élaborer des scénarios de transition environnementale pour l’Île-de-France afin d’éclairer les décisions que les pouvoirs publics sont amenés à prendre ou à suivre.
Le troisième objectif du GREC est de promouvoir de nouvelles recherches pour compléter le corpus de connaissances sur les changements environnementaux, leurs effets, le potentiel d’adaptation et la transition en région parisienne. Un acteur de la région a développé un outil accessible à tous, du promoteur immobilier de La Défense au petit propriétaire de Rosny, pour aider à atteindre ces objectifs. Ces efforts s’inscrivent dans la continuité d’autres initiatives déjà en cours, telles que la révision du schéma directeur de l’environnement de la région Île-de-France et le plan climat de la ville de Paris.
Observatoire de l’immobilier
L’Observatoire de l’immobilier durable (OID) a été créé en 2012 par l’entrepreneur Lois Moulas, suite à l’adoption du décret sur les diagnostics de performance énergétique des bâtiments publics, qui manquait d’un outil de diagnostic indépendant. Soutenu notamment par l’Ademe et l’Agence parisienne du climat, l’OID entend collecter des données énergétiques réelles et produire des statistiques en toute indépendance. L’OID a attiré près de 120 acteurs de l’immobilier : gestionnaires, bailleurs sociaux et privés, foncières, promoteurs. La Mairie de Paris a subventionné l’OID pour travailler sur un outil innovant appelé Bat-adapt. Cet outil cartographique analyse les risques climatiques à une adresse donnée, avec des projections jusqu’en 2090, évaluant les vagues de chaleur, les sécheresses, les inondations, les submersions marines et le gonflement des sols argileux. L’outil fournit une note de vulnérabilité de 1 à 5 basée sur une analyse croisée des risques climatiques et de la sensibilité du bâtiment. Bat-adapt propose également une section contenant des solutions d’adaptation et un guide des solutions d’adaptation à paraître en 2021. Le guide est organisé par type de risque et présente des solutions d’adaptation qui peuvent être personnalisées en fonction du type de logement ou de bâtiment. Ces solutions comprennent le refroidissement du bâtiment par le sol, l’installation de brise-soleil pour lutter contre les canicules, la végétalisation pour lutter contre la sécheresse, la favorisation de l’autoproduction d’électricité lors des tempêtes, la création de toitures végétalisées pour lutter contre les inondations, la définition d’une stratégie d’évitement, de résistance ou de céder à l’eau lors des submersions marines, et la réutilisation des eaux de pluie pour lutter contre les incendies.
L’urgence devant les prévisions du GIEC
L’outil lancé en 2020 n’a cessé de prendre de l’importance depuis sa création. La médiatisation de diverses catastrophes a obligé les acteurs de l’immobilier, grands et petits, à se confronter à la réalité du changement climatique. En 2023, une extension de l’outil Bat-ADAPT Territory permettra aux acteurs territoriaux de diagnostiquer les risques climatiques et de se connecter à d’autres acteurs confrontés à des problèmes similaires, ce qui entraînera une synergie vitale.Afin d’assurer la standardisation de ses outils pour une utilisation internationale, l’OID a également initié Bat Adapt Europe (via la plateforme Resilience for Real Estate), avec un financement de l’Ademe. Il s’agit d’une évolution intéressante pour les gestionnaires du secteur immobilier qui possèdent des biens en Europe et dans d’autres parties du monde. Une version mondiale sera bientôt lancée. L’OID travaille également sur l’outil Biodibat, qui analysera quatre indicateurs de biodiversité sur un territoire donné, à un moment précis. Des étudiants du Muséum d’histoire naturelle y travaillent. Lois Moulas se réjouit de participer au défi du siècle : “Notre objectif est d’accélérer la transition écologique. Nos outils libres et gratuits offrent à chacun la possibilité de participer à ce processus.”