L’idée d’un nouveau label est erronée, car le label “bas carbone” a été créé par le ministère français de la transition écologique avec l’aide de plusieurs associés il y a quatre ans. Ce label permet d’atteindre la neutralité carbone tout en incluant une composante essentielle, la compensation carbone.
Il y a quelques années, le gouvernement français a mis en place un label “bas carbone”. En tant que directeur d’Effinergie, une association chargée de définir des normes pour les labels de performance énergétique et carbone dans le secteur du bâtiment, j’ai voulu en savoir plus à ce sujet. Cependant, j’ai été surprise de constater qu’Effinergie n’avait pas été informée ou consultée à ce sujet. Plus tard, j’ai découvert que le label ne concernait pas seulement le secteur du bâtiment, mais aussi d’autres secteurs. Je n’en ai donc pas tenu compte et cela n’a pas semblé susciter d’enthousiasme. Récemment, j’ai été chargé de présenter le label et ses applications dans le secteur de la construction. Bien que ne le connaissant pas, j’ai fait des recherches et me suis renseigné sur ses principes. Ce label n’est pas très connu dans le secteur du bâtiment, mais il pourrait gagner en popularité suite à la publication de deux méthodes, l’une axée sur la réutilisation dans la rénovation et l’autre, qui est nouvelle, sur le stockage du carbone dans la construction. Toutefois, ces publications n’ont pas fait l’objet d’une large publicité.
Pourquoi un label bas-carbone ?
Moins construire
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments, il existe trois méthodes : construire moins de bâtiments, en améliorant l’utilisation de l’espace et en privilégiant la rénovation des structures existantes.
Construire et rénover avec moins d’émissions carbone
Les références environnementales actuelles pour les constructions, telles que HQE, Effinergie, BD (bâtiment durable) et BBCA, prennent désormais en compte l’empreinte carbone de la construction et de la rénovation. Les sources d’énergie sont également engagées dans la décarbonisation. Or, le carbone est indispensable à la vie ! Tout projet de construction, qu’il soit neuf ou rénové, génère inévitablement des émissions de carbone, même les plus éthiques. Pour atteindre la neutralité carbone, il faut donc mettre en œuvre une deuxième approche.
Séquestration du carbone
Le stockage du carbone peut être amélioré dans les bâtiments en utilisant des matériaux biosourcés, en particulier le bois, qui peut stocker une quantité considérable de carbone. Cela permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment. Toutefois, pour atteindre la neutralité carbone, il faut séquestrer le carbone en dehors du bâtiment, en finançant la plantation d’arbres ou d’autres méthodes. Cette pratique est connue sous le nom de compensation carbone et est encouragée par la Stratégie nationale bas carbone du gouvernement français. Le label “bas carbone” est un outil utilisé pour atteindre la neutralité carbone par le biais de la compensation carbone. Il est unique car il permet de comptabiliser les compensations carbone à l’échelle nationale. Cette approche est considérée comme plus rigoureuse que celle qui consiste à s’appuyer sur des projets de plantation dans des endroits éloignés, qui peuvent ne pas être durables et être influencés par des intérêts locaux.
Le carbone, qui est destiné à être stocké, risque d’être rapidement libéré. La mise en place d’un système national, sous la supervision du gouvernement français, faciliterait la réalisation de la compensation et permettrait de mesurer avec précision la quantité de CO2 stockée. Ce système serait également avantageux pour les initiatives françaises, y compris dans les territoires ultra-marins.
Origine du label bas-carbone
L’origine du label bas carbone provient d’un projet nommé Vocal, financé par le gouvernement français, l’Europe et l’ADEME. Ce projet a réuni des acteurs des secteurs forestier et agricole, et deux clubs de recherche ont développé des méthodes de compensation carbone dans le cadre de ce projet. L’Institut I4CE, institut de recherche à but non lucratif fondé par la Caisse des Dépôts et Consignations et l’Agence Française de Développement, a joué un rôle central dans la construction du label. Sa mission est d’éclairer les débats sur les politiques publiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. I4CE a été un promoteur du label bas carbone lors de son lancement, ainsi que de certaines méthodes associées. Le Label Bas-Carbone a été créé par le décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018, et a été modifié en mars 2022 pour adapter le fonctionnement général du label. Le fonctionnement détaillé du Label Bas-Carbone est précisé par l’arrêté du 28 novembre 2018 modifié, qui définit le référentiel du Label ” Bas-Carbone “. Plusieurs modalités d’application ont vu le jour par secteur, avec la première en 2019, plusieurs en 2020, et actuellement, on en compte une douzaine, avec d’autres en préparation. Ces modalités concernent principalement les secteurs de la forêt et de l’agriculture, ce qui n’est pas surprenant compte tenu des initiateurs du label.
Objectifs du label bas-carbone
L’objectif principal du label Bas Carbone est de vérifier la quantité de CO2 et il est considéré comme un label de compensation carbone. Cependant, le terme “compensation” n’est pas souvent mentionné dans la communication officielle du label et il est souligné que le label s’engage à garantir la qualité de l’environnement. Un autre objectif de ce label est d’apporter un soutien financier aux projets qui en font la demande en vendant des crédits carbone. Les particuliers, les organisations privées et les autorités locales peuvent acheter des crédits carbone à des projets qui ont obtenu ou cherchent à obtenir le label “faible émission de carbone”.
Pour l’instant, les financeurs qui ont manifesté leur intérêt pour le label sont uniquement des entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions de carbone de manière volontaire ou par obligation. Parmi les financeurs connus, on peut citer Enedis, Dalkia, GEFCO, ou encore la Caisse des Dépôts et Consignations. Le nombre de financeurs identifiés n’est que de 28. Jusqu’à présent, aucun particulier ou collectivité locale n’a manifesté d’intérêt pour le financement de tels projets. Ce manque d’intérêt s’explique par le fait qu’il n’y a pas d’obligation et que l’intérêt est moindre dans ces catégories. Cependant, il est possible qu’un couple soit prêt à financer partiellement un projet de compensation des émissions de CO2 générées par leurs déplacements. De même, une collectivité locale peut compenser les émissions générées par la construction d’une nouvelle route ou le trafic supplémentaire sur son territoire en finançant un projet. Cependant, une communication efficace avec ces financeurs potentiels du label serait nécessaire.
Critères du label bas-carbone
Dans un premier temps, nous établissons une situation de référence qui répond aux normes réglementaires ou aux pratiques du marché. Ensuite, nous calculons la quantité de carbone émise sur une période allant de quelques années à quelques décennies. De même, nous calculons le contenu en carbone d’un projet qui suit des pratiques à faible émission de carbone. En soustrayant la différence cumulée entre les deux sur la période d’accréditation, nous calculons la quantité d’émissions de carbone évitées ou stockées. Cette réduction des émissions est certifiée par le label “faible émission de carbone”.
En outre, le label “faible émission de carbone” évalue également divers facteurs tels que l’additionnalité, la surveillance des émissions et de la séquestration, la vérification par une tierce partie, la traçabilité des réductions d’émissions, la permanence des réductions d’émissions et les co-bénéfices sociaux et environnementaux (tels que la biodiversité, l’eau, l’emploi, etc.). Le projet doit démontrer qu’il n’aurait pas pu être réalisé sans l’incitation carbone, et les réductions d’émissions doivent être enregistrées pour éviter le double comptage. Les avantages sociaux et environnementaux peuvent également donner lieu à des primes de quantité de carbone.
Labellisation
Le label associé au gouvernement est responsable de l’ensemble du processus d’attribution. Il établit les lignes directrices et approuve les approches recommandées par des spécialistes dans divers domaines. Il évalue les projets proposés par les acteurs locaux qui utilisent l’une des méthodes approuvées et reconnaît finalement les réductions d’émissions réalisées, après l’intervention d’un auditeur impartial.De mon point de vue, la force et la faiblesse du label résident dans le fait que l’État cautionne les quantités de carbone reconnues. Cependant, comme le gouvernement est le principal organisateur de cette approche, il est impliqué dans toutes les étapes, ce qui peut entraîner des obstacles bureaucratiques et des retards administratifs, en particulier au fur et à mesure que le label s’étend (ce qui est raisonnable).
Méthodologie
Les procédures de certification de chaque projet doivent respecter une méthode définie qui décrit les règles de calcul, les critères de qualité et d’autres exigences. Ces méthodes sont proposées par des acteurs industriels ou des filières régionales et sont relativement flexibles. Un groupe d’experts désignés par le gouvernement français évalue les méthodes proposées et les valide avant qu’elles ne soient publiées au journal officiel pour un usage public.La méthode doit détailler les types de projets éligibles à la certification et les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux attendus. Un scénario de référence est nécessaire pour démontrer l’additionnalité du projet et éviter les effets d’aubaine. Ce scénario évalue les réductions d’émissions au-delà de ce qui se serait produit sans le projet. La méthode doit également inclure une description précise des calculs mathématiques utilisés pour évaluer les réductions d’émissions.
Le maître d’ouvrage doit déclencher une vérification obligatoire des réductions d’émissions, qui peut être effectuée de manière systématique ou par échantillonnage. Des visites sur place sont souvent nécessaires et l’autorité peut procéder à des contrôles aléatoires pendant la durée de vie du projet. Des auditeurs compétents et indépendants doivent vérifier les réductions d’émissions.
Les rabais doivent être estimés pour tenir compte des incertitudes, et la durée de validité du projet pour le calcul des quantités de carbone est généralement de cinq ans. Toutefois, d’autres durées peuvent être justifiées, comme 30 ans pour les projets forestiers et 50 ans pour les projets de construction. Une liste des données et des sources utilisées doit également être fournie.
La plupart des méthodes développées par le projet Vocal, qui trouve ses racines dans les secteurs de la sylviculture et de l’agriculture, sont dédiées à ces deux secteurs. Dans le domaine forestier, les méthodes comprennent le boisement, la restauration des forêts dégradées et le balivage, qui consiste à convertir les taillis en forêts plantées de souches. Dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage, il existe plusieurs méthodes telles que CarbonAgri, créée par l’Institut de l’élevage pour réduire les émissions dans l’élevage bovin et les grandes cultures ; Hedgerows, développée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire pour promouvoir la gestion durable des haies ; et SOBAC’ECO TMM, développée par la SOBAC, qui cible la gestion des intrants. D’autres méthodes incluent Ecométhane, développé par Bleu Blanc Cœur pour réduire les émissions de méthane digestif provenant de l’alimentation des vaches laitières, et Grandes cultures, développé par Arvalis, Terres Inovia, ITB, ARTB, et Agrosolutions, qui vise à réduire les émissions sur les exploitations de grandes cultures. Dans le domaine des espaces naturels et de la biodiversité, la méthode de protection des herbiers de posidonies sera introduite en avril 2023 pour protéger le stockage de carbone de ces écosystèmes. Dans le secteur des transports, la méthode Tiers-lieux, développée par Climat Local et Relais d’Entreprises, vise à réduire les émissions du transport routier des télétravailleurs salariés qui utilisent des tiers-lieux dans les zones peu denses. Dans le secteur du bâtiment, la méthode Rénovation, développée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, se concentre sur les projets de rénovation de bâtiments qui utilisent des matériaux recyclés. Une autre méthode développée par BBCA vise les projets de construction qui augmentent le stockage du carbone. Une vingtaine d’autres méthodes devraient être ajoutées à cette liste d’ici 2023, sauf pour le secteur de la construction.
Projets à ce jour
Jusqu’à présent, 541 projets ont reçu une accréditation, le boisement et le reboisement arrivant en tête avec respectivement 247 et 203 projets. Les plantations de vergers suivent de près avec 59 projets, et 15 projets ont été attribués à des cultures de plein champ. Le reste des projets, soit moins de 5 par méthode, comprend deux projets de construction par le biais de la méthode de rénovation. À l’exception de l’agriculture et de la sylviculture, le nombre actuel de projets dans les autres domaines est relativement faible. A noter que la méthode de rénovation, dont le CSTB est l’auteur suite à une conversation fortuite avec I4CE, date d’août 2021, tandis que l’autre méthode, toute nouvelle et portant sur le stockage du carbone dans la construction, a été lancée le 5 avril 2023. Il est encore tôt pour que le secteur de la construction adopte cette nouvelle méthode.
Implication de la filière bâtiment
Le gouvernement français a créé un label bien conçu, soigné et très rigoureux, qui offre aux financeurs potentiels toute la crédibilité dont ils ont besoin. Il est surprenant de constater à quel point ce label est peu connu, alors qu’il s’adresse à un large public, y compris les citoyens.Le manque de communication du gouvernement français peut être à l’origine de cette méconnaissance et un effort important doit être fait pour le faire connaître.
Cependant, certains acteurs commencent à utiliser le label, comme les organisateurs des Jeux Olympiques de Paris 2024, qui visent la neutralité carbone et proposent un nouveau label bas carbone d’un volume de 35 000 tCO2. Il est probable que d’autres organisations suivront l’exemple et profiteront de cette opportunité.
S’il est trop tôt pour tirer des conclusions dans le secteur du bâtiment, les méthodes utilisées sont récentes et une communication plus large est nécessaire.