Le secteur de la construction prend des mesures pour réduire l’impact environnemental de ses activités, qui sont responsables d’une grande partie de la production mondiale de dioxyde de carbone. Des expériences sont menées pour découvrir des moyens de diminuer la quantité de béton utilisée ou de trouver de nouvelles solutions pour le produire avec une empreinte carbone réduite.
Christine Leconte, présidente de l’Ordre national des architectes, a déclaré que les trois grandes “crises” environnementales que connaît la planète – changement climatique, perte de biodiversité et accès aux ressources – obligent le secteur à “s’adapter”. Pour cela, il faut “déconstruire” le “modèle du béton”, qui contribue au réchauffement climatique, détruit la biodiversité et épuise les ressources naturelles. Xavier Chateau, directeur de recherche au CNRS, spécialisé dans la science des matériaux (laboratoire Navier), a d’ailleurs noté que si l’on réduisait de 25% la consommation de ciment sur la planète, cela aurait le même effet que de compenser toutes les émissions de CO2 du transport aérien.
Les expériences de matériaux de construction alternatifs se multiplient et l’Europe est à la pointe dans ce domaine : béton de bois, béton de chanvre et de terre, utilisation de matériaux plus légers, construction de logements avec du béton 100% recyclé et réutilisation de bâtiments existants pour réduire l’étalement urbain. La Global Cement and Concrete Association (GCCA), basée à Londres et représentant 80 % de l’industrie mondiale (hors Chine), lance un appel aux start-ups du monde entier pour qu’elles aident à décarboner le béton afin de respecter les engagements fixés par l’accord de Paris sur le climat, l’objectif étant d’atteindre le béton “net zéro” d’ici 2050.
Thomas Guillot, président de l’association mondiale, affirme que le béton ne sera pas remplacé, car il s’agit du deuxième élément le plus consommé sur terre, après l’eau. Cependant, leur objectif est de trouver des solutions différentes, notamment pour le remplacement du clinker, le principal composant du ciment. Le clinker est créé à partir d’un mélange de calcaire et d’argile qui est cuit à une température très élevée de 1450 degrés, ce qui dégage d’énormes quantités de CO2.
L’une des solutions testées par différents fabricants, tels que Cemex et Ecocem, consiste à utiliser des déchets d’acier, connus sous le nom de laitier, au lieu du clinker, car ils produisent moins d’émissions. Holcim, un géant mondial du ciment basé en Suisse, envisage d’utiliser de l’argile calcinée mélangée à du calcaire broyé, tandis que la pouzzolane, une roche volcanique, a déjà été utilisée en Italie.
Ecocem et le Réseau Action Climat ont récemment exprimé leur inquiétude quant au fait que les technologies de capture et de stockage des émissions de CO2 restent coûteuses et non réglementées. Ils appellent à une révision plus rapide des normes et standards, notamment en Europe, afin d’intégrer les innovations technologiques permettant de produire des ciments à faible teneur en carbone et de réduire la teneur en clinker à seulement 20 %. Le système actuel de révision prend au moins 10 ans, écrivent-ils, ce qui n’est pas compatible avec l’urgence de la crise climatique ou les progrès technologiques. Si la production de ciment était augmentée, l’empreinte carbone pourrait être réduite de 70 %, ce qui entraînerait une réduction de 4 % des émissions mondiales, et favoriserait les solutions à faible teneur en carbone dans les marchés publics.