Ces dernières années, l’utilisation de matériaux à changement de phase (MCP) pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments a pris de l’ampleur. Les MCP peuvent stocker et libérer de grandes quantités d’énergie : lorsqu’ils sont en phase solide, ils peuvent absorber la chaleur, ce qui produit un effet de refroidissement, et lorsqu’ils sont en phase liquide, ils peuvent libérer la chaleur, ce qui produit un effet de réchauffement.
“La glace qui fond en eau est un matériau à changement de phase, tout comme le beurre qui fond en huile. Pourquoi est-ce spécial ? Lorsqu’un matériau change de phase, il absorbe et libère également de l’énergie. Dans la construction, ces matériaux sont encapsulés, c’est-à-dire que les micro-capsules de PCM sont intégrées dans un élément de construction, comme le béton”, explique Paris Fokaides, chercheur principal à l’Université de technologie de Kaunas (KTU), en Lituanie.
Avec des collègues de l’université de Frederick à Chypre, les chercheurs de la KTU ont mené une étude dans différentes régions européennes afin de calculer l’efficacité de l’application des MCP pour l’amélioration énergétique des bâtiments existants. Leurs recherches ont révélé que l’efficacité et le délai de récupération de l’énergie du MCP dépendent de certaines conditions, telles que la situation géographique et l’orientation des murs du bâtiment.
“L’évaluation de la performance thermique des bâtiments existants est une information très précieuse, qui peut être utile lors de la prise de décisions en matière de rénovation”, déclare Egle Klumbyte, chercheur à la faculté de génie civil et d’architecture de KTU, co-auteur de l’étude.
Selon elle, il est important de comprendre comment et où utiliser les matériaux appropriés pour une efficacité maximale.
Dans les climats froids, les investissements sont rentabilisés en moins d’un an
Les travaux examinent l’application de revêtements en MCP dans diverses conditions météorologiques en Europe, pour toutes les principales orientations des bâtiments. Au total, 16 simulations numériques ont été réalisées pour les quatre mois civils de janvier, avril, juillet et octobre et pour les trois latitudes d’Athènes, Milan et Copenhague.
“Nous voulions que les résultats de nos recherches soient applicables à l’échelle mondiale, c’est pourquoi nous avons choisi des sites présentant des conditions climatiques typiques du sud, du centre et du nord de l’Europe”, explique M. Fokaides.
Les huit premières simulations numériques ont été réalisées avec un matériau à changement de phase intégré dans la structure de l’élément de construction et les huit autres simulations en l’absence de MCP. L’épaisseur du PCM intégré était de 4 cm. L’économie d’énergie annuelle a été calculée pour quatre mois typiques, représentant les quatre saisons de l’année (hiver, printemps, été et automne).
“L’un des principaux résultats de l’étude a mis en évidence le fait que le MCP se comporte mieux dans des conditions de froid”, explique M. Klumbyte.
Selon les chercheurs, cela est parfaitement logique : premièrement, dans des conditions plus froides, le MCP absorbe davantage d’énergie et, deuxièmement, comme dans les climats plus froids, les bâtiments consomment davantage d’énergie (électricité, chauffage, etc.), les économies d’énergie sont plus efficaces dans ces conditions.
“Dans l’étude, nous avons développé le concept de période de récupération de l’énergie, c’est-à-dire l’équilibre entre l’énergie utilisée pour produire ces matériaux et celle gagnée lors de leur utilisation. Le délai de récupération de l’énergie indique combien de temps il faudra pour que l’énergie économisée dans les MCP élimine les coûts énergétiques de leur production”, explique M. Fokaides.
L’étude a révélé que la mise en œuvre de MCP peut contribuer à des économies d’énergie dans certains cas, variant de 0,24 à 29,84 kWh/m2a et des périodes de récupération de l’énergie allant de moins d’un an à près de 20 ans. La période de récupération de l’énergie la plus longue a été calculée dans des climats plus chauds, et la plus courte dans des endroits plus froids. L’orientation optimale pour placer les MCP est l’ouest et l’est à Athènes, l’est et le nord à Milan, et le nord à Copenhague. En outre, les MCP fonctionnent mieux lorsqu’ils sont intégrés aux structures intérieures.
Des sujets de recherche jamais abordés auparavant
“Le modèle numérique développé démontre la capacité de réaliser une évaluation thermique dans diverses conditions avec des résultats précis. L’objectif principal de l’Union européenne est le développement environnemental durable. Notre étude peut grandement contribuer à la réalisation de cet objectif”, est convaincu M. Klumbyte.
Selon M. Fokaides, l’étude décrite ci-dessus porte sur des sujets qui n’ont pas encore été abordés dans la littérature scientifique. L’emplacement optimal du matériau à changement de phase dans le bâtiment, son orientation optimale et le délai de récupération de l’énergie sont des concepts entièrement nouveaux dans le vaste thème de la performance énergétique de l’environnement bâti.
“Toutefois, en tant que Grec, je ne peux ignorer le fait que la première description d’un bâtiment écologique a été écrite par Socrate il y a 2,5 mille ans. À l’époque, il indiquait que le mur nord d’un bâtiment devait être plus épais que le mur sud. Notre idée selon laquelle l’orientation des murs est cruciale lorsqu’on considère leur composition structurelle est donc liée à celle de Socrate”, explique un chercheur de la KTU.
Les chercheurs de la KTU affirment que la méthodologie et l’ensemble de données fournies dans ce travail peuvent être utilisées pour le développement ultérieur des outils d’évaluation thermique des bâtiments. Actuellement, l’équipe lance un nouveau projet de recherche d’une valeur de 1,5 million d’euros, qui sera axé sur la numérisation des résultats. Il s’agira notamment de mettre au point des capteurs intelligents pour mesurer en temps réel les performances thermiques des éléments de construction. Selon les scientifiques, ce sujet présente un vaste potentiel de commercialisation.
Ce communiqué de presse a été initialement publié sur le site de l’Université de technologie de Kaunas.