Le secteur français de la construction est fortement tributaire des micro-entreprises et des PME, qui représentent un potentiel et des idées créatives considérables. Néanmoins, ce secteur est confronté à l’émergence de nouvelles entreprises qui privilégient l’innovation. Par conséquent, ce secteur s’efforce de se moderniser pour rester dans la course.
Une réglementation en constante évolution
Le secteur de la construction évolue continuellement, avec des innovations dans la façon dont les bâtiments sont conçus, construits et gérés. La France a pris acte de ces changements et a mis en œuvre plusieurs initiatives pour faciliter la transformation technologique dans ce secteur, comme le plan “BIM 2022”. Ce plan a été créé pour promouvoir l’utilisation des technologies numériques afin d’accroître l’efficacité et la qualité des projets de construction.
Franck Le Nuellec, directeur du marketing, du développement et de l’innovation stratégique au CCCA-BTP, remarque que “On observe l’émergence d’innovations visant la productivité, d’outils pour améliorer les chantiers et de solutions pour favoriser l’industrialisation de la construction, ainsi que l’amélioration des matériaux et des équipements, et la promotion d’une approche globale et collaborative du chantier, pour faciliter les échanges entre les équipes.”
Pour s’aligner sur cette transformation, les entreprises doivent adhérer à des normes et réglementations particulières qui régissent l’utilisation des nouvelles technologies dans l’industrie. Bien que M. Le Nuellec ait déclaré que ces réglementations ne sont pas encore totalement mises en œuvre, il a noté qu'”elles ont eu l’avantage de générer une dynamique”.
Malgré les progrès réalisés dans le secteur, les entreprises hésitent encore à s’engager dans la révolution numérique. Cela s’explique par le fait que le secteur de la construction est traditionnellement plus lent à adopter les nouvelles technologies que d’autres secteurs et par la complexité des projets de construction qui impliquent de nombreuses personnes et nécessitent une planification méticuleuse.
M. Le Nuellec a déclaré que “les écosystèmes actuels ne sont pas encore tout à fait prêts pour une révolution et une approche disruptive”. Néanmoins, il a souligné que les entreprises du secteur y sont beaucoup plus ouvertes que par le passé et qu'”une prise de conscience s’est opérée”. Il estime que la mise en place de réglementations permettra “d’avancer vers l’objectif ultime de la massification de la rénovation énergétique et de la décarbonisation.”
La formation au service de l’innovation
La formation devient un élément crucial pour le secteur et pour les professionnels de la construction, qui doivent être formés aux dernières technologies et méthodes de construction afin de pouvoir les intégrer dans leurs projets. Les organismes de formation jouent donc un rôle essentiel dans la diffusion des nouvelles techniques de construction. Le CCCA-BTP en est un exemple, qui a développé des formations spécifiques axées sur l’innovation dans le secteur du bâtiment, permettant aux apprentis et aux professionnels d’acquérir des compétences techniques avancées et de se familiariser avec les technologies modernes.Selon M. Le Nuellec, les centres de formation doivent veiller à deux aspects : une formation “traditionnelle” pour les bases, et un rôle de “découvreur” en matière d’innovation. Le baromètre CCCA-BTP met en évidence ce sentiment, puisque 8 apprentis sur 10 estiment que c’est leur génération qui doit être à la pointe de l’innovation, tandis que 6 dirigeants d’entreprise sur 10 pensent que les centres de formation doivent offrir un aperçu des techniques modernes.
Franck Le Nuellec estime que la clé de l’innovation est la collaboration, que ce soit au niveau sectoriel ou intersectoriel. La France a beaucoup fait pour l’innovation, notamment en ce qui concerne les start-ups, mais il y a encore du chemin à faire pour créer des entités telles que Win’Lab, un incubateur avec une mission d’intérêt général. L’objectif de Win’Lab est de stimuler l’expérimentation pour développer les capacités des jeunes apprentis et des entreprises, et selon lui, c’est quelque chose qui pourrait être augmenté : multiplier les initiatives pour stimuler l’expérimentation au nom d’une mission d’intérêt général.
Quels sont les défis à venir ?
Les acteurs de la construction commencent à reconnaître la nécessité de la numérisation et de la transformation numérique, et de nombreuses entreprises investissent dans des outils numériques pour accroître leur productivité et leur efficacité. De plus, certaines mettent même en place des départements de R&D pour créer des produits et des services inédits.
Néanmoins, la transformation numérique du secteur de la construction est un processus long et complexe qui nécessite une coopération étroite entre les différents acteurs. Selon Franck Le Nuellec, “je crois beaucoup à l’interaction entre les différents acteurs d’un même territoire. Pendant trop longtemps, dans le domaine de la construction, on s’est trop préoccupé de simplement ” construire ” et on n’a pas su reconnaître que la construction est un élément central d’un territoire, qui comprend des bâtiments, des infrastructures, mais aussi des moyens de transport, des villes, des acteurs économiques… J’ai maintenant la certitude qu’il faut aborder les questions d’un point de vue systémique, que l’innovation doit être systémique, et qu’il faut créer de vraies connexions entre les différents acteurs d’un même territoire.”
Quels sont les défis que la France et les entreprises de construction doivent relever pour accélérer cette transition numérique et stimuler la génération d’innovations ? Pour M. Le Nuellec, la réponse est claire : “L’enjeu principal est le décloisonnement des métiers. La technologie et l’innovation doivent intégrer cette nouvelle approche, quoi qu’il arrive.
“Jusqu’à présent, les individus fonctionnaient encore de manière cloisonnée, chacun dans son coin. Aujourd’hui, avec les normes qui se renforcent, notamment en ce qui concerne les ponts thermiques ou l’empreinte carbone du bâtiment. Dans ce contexte, il est essentiel d’encourager les avancées dans le domaine de l’amélioration de l’interopérabilité, par exemple, ou de l’optimisation de la décarbonisation, quel que soit le stade d’avancement du projet. En effet, il ne suffit pas de construire un bâtiment décarbonisé, il faut aussi décarboniser les matériaux qui le composent, puis envisager la possibilité de réutiliser le bâtiment à diverses fins dans le même espace et dans le même temps… La technologie et l’innovation doivent intégrer ce nouveau mode de fonctionnement”, conclut-il.