La récupération de matériaux provenant d’anciennes structures est une tradition de longue date, les Romains étant connus pour leur réutilisation des métaux provenant d’anciens bâtiments. Au Moyen Âge, les ruines d’édifices anciens ont été transformées en carrières de pierres, tandis que les lieux de culte ont été pillés après la Révolution française. Mais plus récemment, avec l’avènement de l’ère industrielle, l’utilisation de nouveaux matériaux s’est généralisée en raison de leur standardisation, de leur abondance, de leur facilité d’exécution et de leur faible coût. En conséquence, la pratique de la réutilisation des matériaux a progressivement diminué et les matériaux déconstruits finissent aujourd’hui dans des décharges ou enfouis sous terre.
Rien qu’en France, les déchets du bâtiment et des travaux publics représentent 70 % du total des déchets, avec 46 millions de tonnes générées par ce secteur sur un total de 231 millions de tonnes de déchets produits annuellement.
Pour relever ce défi écologique, le gouvernement encourage la promotion d’une économie circulaire et de la durabilité, la réutilisation étant un élément clé pour prolonger la durée de vie des produits et réduire les déchets.
Enjeu culturel
Malgré la longue tradition d’utilisation de biens de seconde main, l’industrie de la construction est toujours confrontée à plusieurs défis. Parmi les fausses idées les plus répandues, on trouve la croyance selon laquelle les matériaux de réemploi sont moins efficaces, trop chers et ne conviennent qu’à des projets de petite envergure, ce qui conduit de nombreux maîtres d’ouvrage à interdire l’utilisation de ces matériaux dans leurs cahiers des charges. En réalité, il existe de nombreux matériaux réutilisés qui sont à la fois moins chers et qui peuvent contribuer à réduire les coûts de retraitement des déchets. En outre, certains de ces matériaux peuvent avoir une valeur historique et esthétique. Plutôt que de considérer les matériaux issus de la déconstruction comme des déchets, il est essentiel de les reconnaître comme une ressource précieuse et une solution potentielle aux pénuries d’approvisionnement.
Enjeu technique
Il ne fait aucun doute que les réglementations liées à la transition écologique sont en constante évolution. Si elles sont nombreuses, on peut citer la directive européenne sur les déchets, la loi Agec pour l’économie circulaire, la réglementation environnementale RE 2020 ou encore le plan de prévention et de gestion des déchets PRPGD. Face à ces nouvelles exigences, le recours au réemploi constitue une véritable opportunité. Haute performance, sécurité de la construction et utilisation de matériaux de réemploi ne sont pas contradictoires.
Pour mener à bien un projet de construction, de rénovation ou de déconstruction, il est nécessaire d’identifier et d’évaluer le potentiel de réutilisation des éléments et des matériaux, par le biais d’un ” diagnostic ressources ” et d’une évaluation.
Enjeu logistique
Le changement proposé est de grande ampleur et nécessite la confiance de toutes les parties concernées et la participation de tous les acteurs à la réalisation de cet objectif commun. Pour répondre à ces nouvelles attentes, l’industrie de la construction doit se réorganiser en prenant un certain nombre de mesures, notamment la mise en place de formations spécifiques pour acquérir les compétences nécessaires à la réutilisation des matériaux, la réforme de la législation pour se concentrer sur les objectifs plutôt que sur les normes, la garantie d’une véritable traçabilité des produits réutilisés pour bénéficier des assurances et des garanties du secteur et garantir la faisabilité et la viabilité des projets, et la mise en place de réseaux de distribution englobant le démantèlement, le tri, la logistique et la commercialisation. Ces changements ne manqueront pas de créer de nouveaux emplois, métiers et services, représentant ainsi un véritable stimulus économique s’ils sont mis en œuvre à grande échelle. Cependant, le développement d’un écosystème complet dans une région spécifique est nécessaire pour provoquer un changement d’échelle significatif.
La mise en œuvre de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits et matériaux de construction, ainsi que la mise en place d’éco-organismes pour traiter les déchets de produits, est une évolution importante qui doit débuter le 1er janvier 2023, et qui comporte de nombreux risques.