Avec l’objectif d’atteindre 70 % de valorisation, il faut repenser des méthodes innovantes de transport, de valorisation et de réutilisation des déchets de chantier, qui sont une source importante de pollution et de nuisances. En profitant des dernières avancées technologiques, il est aujourd’hui possible de recycler et de réutiliser les équipements, les excavations et le gros œuvre.
En France, le secteur de la construction produit environ 240 millions de tonnes de déchets par an. Il s’agit d’une question urgente qui est devenue encore plus importante face au changement climatique et à la législation actualisée. Heureusement, de nombreuses entreprises ont pris l’initiative d’employer de nouvelles techniques pour relever les défis de l’élimination et du recyclage des déchets.
Valorisation des déchets
Environ 70% des déchets créés en France chaque année proviennent du secteur de la construction, ce qui équivaut à 240 millions de tonnes sur un total de 342 millions de tonnes. Néanmoins, l’Ademe a constaté que ces déchets de construction sont traités de manière plus responsable et que la quantité de déchets créés a diminué de 10 % au cours de la dernière décennie.Les trois principales catégories de déchets sont les déchets dangereux, les déchets non dangereux et les déchets inertes. En fonction de leurs composants et des contaminants potentiels, il existe plusieurs voies possibles d’élimination des déchets. Bruno Cahen, responsable des services de démolition de Demcy, explique que “dans le cadre des projets de démolition, il existe une hiérarchie entre le traitement des déchets, les matériaux et les équipements.”
Plaçant la valorisation matière au sommet de la pyramide, les industriels préfèrent généralement cette option au recyclage, à la valorisation énergétique ou à l’élimination (mise en décharge) qui n’intervient qu’en dernier recours. Selon Bruno Cahen, “la valorisation des matériaux se fait localement ; par exemple, lorsque le béton concassé est réutilisé sur place comme granulat, c’est bien mieux que de l’envoyer sur une plate-forme et de le réexpédier, car cela évite un double transport et réduit le CO2 et la pollution. Les clients, notamment ceux qui entreprennent des projets de reconstruction, sont de plus en plus nombreux à demander cette pratique. On peut dire que la meilleure forme de recyclage consiste à réutiliser les matériaux, les produits, les équipements, etc. dans leur forme originale, sans transformation.
En France, la valorisation des déchets de construction a été stimulée par trois facteurs principaux : les nouvelles technologies, l’évolution des mentalités et un cadre juridique et environnemental modifié. En particulier, la crise écologique, la diminution de la disponibilité des sites d’enfouissement et l’augmentation de la taxe d’enfouissement ont joué un rôle clé dans la croissance du secteur. Ces facteurs ont également stimulé les avancées technologiques et les innovations qui permettent un meilleur suivi, un traitement amélioré et une réduction de la pollution.
Des progrès grâce à l’innovation
Le projet du Grand Paris Express (GPE) a servi de catalyseur majeur pour le secteur, inspirant de nombreuses initiatives pour améliorer la valorisation des déchets. En témoigne l’objectif ambitieux de 70% de valorisation, le GPE nécessitant à lui seul 45 millions de tonnes de déblais. Selon Frédéric Willemin, directeur de l’ingénierie environnementale de la Société du Grand Paris (SGP), “il est de notre responsabilité d’avoir des pratiques exemplaires et innovantes compte tenu de l’ampleur du projet.”
Pour de nombreux chantiers du GPE, l’objectif de 70 % de réutilisation des matériaux d’excavation a suscité l’application de nouvelles technologies. La SGP a salué de multiples initiatives. Séché Eco-Services et Hoffmann ont présenté une solution inédite, baptisée “ProVaDBat”, qui recycle les déblais souterrains en matériaux de construction. Valhoriz a été récompensé pour sa solution “TerraGenese”, qui transforme les déblais stériles et les matières premières organiques en sol fertile.
Eiffage a développé un outil innovant, Carasol, qui permet d’identifier la composition des terres excavées en une fraction du temps que prennent les solutions d’analyse traditionnelles – 90 minutes au lieu d’une semaine. C’est un avantage considérable pour les équipes de terrain, qui peuvent rapidement déterminer ce qu’il convient de faire de ces matériaux – les recycler, les réutiliser ou les éliminer – et cela libère également beaucoup d’espace autour du chantier. Les laboratoires mobiles de Carasol peuvent être installés directement sur les chantiers, ce qui les rend particulièrement efficaces dans l’environnement urbain.Cette technologie est le fruit d’une collaboration de deux ans entre Eiffage et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). La caractérisation rapide des sols par Carasol est un réel avantage pour le secteur de la construction, lui permettant de prendre des décisions plus éclairées dans un délai plus court que jamais.
Une fois la terre prélevée et étudiée, elle peut être utilisée de plusieurs manières en fonction de sa composition en Ile-de-France. Christophe Maillet, de la SGP, est chargé de la valorisation de la terre, qui peut prendre deux formes. La première est la valorisation en volume, qui consiste à utiliser les sols de l’agglomération parisienne pour combler des carrières, construire des talus, aménager des jardins, etc. La seconde est la valorisation matière, qui consiste à transformer la terre en matériaux écologiques tels que les briques d’argile crue ou l’extraction de sable pour le ciment. Néanmoins, les millions de tonnes de déchets provenant chaque année du secteur de la construction doivent être déplacées d’un endroit à l’autre, ce qui est un processus difficile.
Des transports repensés
Alors que le transport des déchets du bâtiment se faisait autrefois presque exclusivement par camion, le secteur de la construction utilise aujourd’hui des méthodes différentes, plus respectueuses de l’environnement. Lafarge a mis en place une plateforme de traitement et de valorisation des gravats à Saint-Vigor-d’Ymonville, en Seine-Maritime. Les débris y sont transportés par voie fluviale, ce qui permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES). “Le Havre est une ville importante sur l’axe de la Seine, idéalement située pour le transport fluvial depuis la capitale”, a déclaré Bénédicte de Bonnechose, administratrice de Lafarge France.
Le secteur de la construction utilise souvent des convoyeurs, seuls ou en combinaison avec le transport fluvial. Par exemple, Guintoli a utilisé les deux modes de transport simultanément sur un projet de déconstruction à Clichy. Cette technologie a été utilisée sur d’autres grands chantiers, comme le Grand Paris Express de Razel-Bec, le creusement du tunnel Lyon-Turin de Spie Batignolles, la rénovation de la RCEA d’Eiffage, où les convoyeurs ont permis d’économiser jusqu’à 160 000 trajets de camions.
Les entreprises de démolition sont de plus en plus conscientes de l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le transport des déchets en traitant un maximum d’entre eux sur place. Pour que cela devienne une réalité, elles s’associent à des associations locales et à des acteurs de l’économie sociale et solidaire, tels que RéaVie et Backacia, afin de promouvoir le réemploi des matériaux dans les circuits courts locaux. Cela permet non seulement de préserver l’environnement, mais aussi d’offrir des opportunités d’insertion professionnelle et de formation aux jeunes dans ce processus. Cela montre à quel point le recyclage des déchets peut être bénéfique pour toutes les parties concernées.