L’organisation Mineka recycle les déchets de chantiers, ce qui est important étant donné que le secteur de la construction est le premier consommateur de ressources et le plus grand producteur de déchets en France.
En approchant de l’entrée du “Minestock”, l’entrepôt de l’association Mineka, nous passons devant des piles de palettes et un conteneur Algeco. La pluie fine n’égaye guère la zone périurbaine de Lyon, située entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Lucas Griffay, le regard clair et joyeux, accueille les premiers clients. Ici, l’équipe de cinq salariés collecte des matériaux sur les chantiers de construction, de démolition et de rénovation, puis les revend aux particuliers et aux professionnels à des prix compétitifs. Aujourd’hui, cet ancien métallurgiste de 33 ans est ravi de voir partir le dernier lot de carrés d’isolation : “Nous avons reçu 12 palettes de polystyrène extrudé provenant de la rénovation de l’entrepôt d’un grossiste en fruits et légumes. “Il s’est vendu rapidement. La laine de verre, quant à elle, n’est pas aussi demandée.
Joanne Boachon, architecte et actuelle directrice de Mineka, a lancé un projet de réutilisation de matériaux de construction encore en bon état qui étaient jetés quotidiennement sur les chantiers de construction pendant sa formation à l’École nationale supérieure d’architecture de Lyon. À l’issue de sa formation, Joanne s’est orientée vers l’idée de réutiliser au lieu de construire du neuf avec du neuf. Cependant, l’approvisionnement en matériaux de seconde main s’est avéré difficile en raison de l’absence d’une structure capable de rassembler ces “sources”. Pour résoudre ce problème, elle a formé un réseau d’architectes dévoués et a lancé Mineka. Au début du projet, la tâche était ardue car le concept de réutilisation n’était pas très connu et les gens considéraient que c’était une idée folle.
Des clients motivés par un coût moindre
L’association a été récompensée par de multiples prix, dont un trophée de la Fondation pour la nature et l’homme en décembre 2017, ce qui lui a permis d’obtenir plus facilement des financements. La pandémie de COVID-19 a entraîné un changement de perception à l’égard de l’association, moins de personnes les considérant comme des écologistes radicaux. Le concept des “matériauthèques” a été reproduit dans divers endroits, bien que ces lieux ne soient pas aussi polis que les grandes surfaces de bricolage. Les personnes intéressées, telles que les entreprises de construction, les architectes, les artisans et les promoteurs, ne peuvent accéder à la collection que par l’intermédiaire de professionnels. Certaines entreprises s’adressent directement à l’association, tandis que d’autres sont sollicitées. Dans certains cas, l’intérêt est motivé par des convictions sincères, dans d’autres, il est avant tout financier, en particulier dans les grandes entreprises où les services de la RSE sont impliqués. L’ancien artisan, Lucas Griffay, encourage les gens à se rendre sur place, car il n’est pas possible de réserver en ligne ou par téléphone. Il reconnaît que les matériaux en leur possession ne sont pas toujours impeccables, contrairement à ceux que l’on trouve dans les grandes surfaces.
Étant donné que la collecte n’est pas gratuite, les prix de Mineka sont plus abordables que ceux du marché. Cela signifie que le dépôt d’une tonne de bois dans un centre d’élimination des déchets coûterait 80 euros, alors que le service de collecte de Mineka ne facturerait que 50 euros. Cependant, il est important de noter que l’adhésion à l’association est obligatoire et que les frais sont déterminés en fonction de la taille de l’organisation. Une filiale d’Eiffage doit payer 300 euros par an, alors qu’un particulier ne doit payer que 10 euros.
Des objects atypiques
Lucas Griffay reconnaît que travailler avec des matériaux réutilisés pose des défis aux professionnels, notamment en raison des problèmes d’assurance. Mineka ne peut pas fournir à ses clients une garantie sur les prises électriques, les câbles et les poutres stockés sur le site, car l’entreprise n’est pas en mesure d’effectuer les évaluations des risques, les tests et les contrôles nécessaires. M. Griffay cite l’exemple des grandes poutres structurelles que l’entreprise n’a pas les moyens de faire certifier. En revanche, les menuisiers et les monteurs sont exemptés de ces restrictions et peuvent récupérer des chutes de bois brut pour créer des meubles dans le cadre d’une démarche d’up-cycling. Selon Griffay, le bois est le matériau le plus prisé. Certains professionnels suggèrent à leurs clients de s’approvisionner auprès de Mineka, tandis que les particuliers encouragent leurs artisans à utiliser des matériaux de seconde main.
Le “Minéstock” est principalement composé d’isolants, de bois brut, d’huisseries, mais des objets plus insolites ont également été reçus tels que des prie-Dieu de la cathédrale Saint-Jean, des fenêtres du Centre d’histoire et de la Résistance et de la Déportation de Lyon, des bancs du palais de justice ou d’une gare, de quoi enthousiasmer les décorateurs. Cependant, il est important d’avoir l’esprit ouvert et de laisser libre cours à la créativité. C’est ce qu’illustrent Chloé et Paul, qui rénovent un pavillon des années 1950 nécessitant une remise à neuf complète. Ils se rendent régulièrement à Minéka pour s’inspirer et éviter de créer une maison générique comme celles que l’on trouve à Leroy-Merlin. Les matériaux disponibles à Minéka ont plus de caractère, sont plus respectueux de l’environnement et plus économiques.
Un process plus compliqué et lent
Depuis trois ans, l’association apporte son soutien aux chefs de projet et aux entrepreneurs dans le domaine de la réutilisation, en mettant à profit leur expérience. Au départ, on leur demandait surtout d’évaluer les ressources avant la démolition, mais depuis deux ans, de plus en plus de contrats incluent des objectifs de réutilisation in situ. Ils utilisent désormais une méthodologie pour valider les matériaux en vue de leur réutilisation, et cette activité de conseil représente 50 % de leur chiffre d’affaires.Chez Minestock, même si le catalogue est régulièrement mis à jour, il peut être difficile de trouver des matériaux spécifiques. Lors de leur visite au lycée Brossolette, qui faisait l’objet d’une rénovation complète, l’équipe de Mineka a réalisé que son association n’était qu’une petite partie d’un ensemble plus vaste. Le chef du chantier de démolition de l’école secondaire n’était pas très enthousiaste à l’idée de déposer les poutres pour Mineka, car cela prenait plus de temps et était plus compliqué. Les grands chantiers de démolition privilégient l’enlèvement rapide, mais le fait que ces poutres puissent être réutilisées ne lui a pas échappé. Depuis sa création, Mineka a recyclé 3 610 tonnes de matériaux, une petite contribution à la pile globale.
Le secteur de la construction en France a généré la plus grande quantité de déchets en 2020, représentant 68 % ou 213 millions de tonnes du total des déchets produits. La plupart des déchets, y compris le béton, la terre cuite, la terre et les cailloux, sont réutilisés dans les remblais de carrières ou les sous-couches routières, mais seule une petite partie est réutilisée dans la construction. Les matériaux tels que le verre plat, la moquette, la laine minérale, le plâtre et les plastiques sont principalement éliminés, avec un taux d’élimination compris entre 74 et 99 %. En revanche, le métal est recyclé à 90 %. Le gouvernement a pris conscience de l’ampleur du problème et la loi du 10 février 2020 relative à la réduction des déchets et à l’économie circulaire a mis en place une filière REP pour la gestion des déchets de construction. Cette politique contraindra probablement les grandes entreprises à s’engager dans la réutilisation des matériaux, ce qui est essentiel pour que le secteur progresse. Toutefois, les initiatives volontaires telles que Mineka craignent que les grandes entreprises ne prennent le contrôle des sources de déchets les plus précieuses.