En France, 10 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des matériaux de construction, et les récentes réglementations environnementales dans le secteur de la construction incitent les promoteurs à explorer des sources issues de l’économie circulaire.
La table ronde de Gabrielle Halpern, qui portait sur le potentiel de l’économie circulaire dans la construction, s’est ouverte sur un défi consistant à réexaminer notre relation avec l’innovation et la nature. Halpern a fait valoir que, contrairement à la “destruction créatrice” proposée par Schumpeter, la nature est plutôt un “entremetteur”, qui combine des matériaux et des métiers existants pour créer quelque chose de nouveau. À ce titre, les 3R (réduire, réutiliser et recycler) pourraient être un facteur clé de la décarbonisation du secteur de la construction, car l’exploitation de la capacité de la nature à combiner des éléments existants pourrait déboucher sur une créativité et une innovation accrues.
Lois essentielles et souhaitables
C’est une perspective optimiste, mais qui peut être difficile à mettre en œuvre dans des secteurs tels que la construction, qui peuvent être considérés comme résistants à l’agilité en raison de leur environnement au rythme rapide. Comme le note Guillaume Bazouin de Leonard, la plateforme d’innovation de VINCI, ” malgré les bonnes intentions, peu de progrès ont été réalisés en matière de réutilisation des matériaux ou d’utilisation de matériaux à moindre impact environnemental. Il y a très peu de marge de manœuvre dans ce secteur, et souvent aucun fonds disponible pour l’innovation. C’est pourquoi une législation forte, telle que la nouvelle réglementation environnementale (RE2020), est nécessaire pour pousser le secteur au changement. Ce règlement exige que le secteur mesure et rende compte des émissions de gaz à effet de serre des matériaux de construction, encourageant ainsi l’ensemble du secteur à adopter des pratiques plus durables.
Le neuf n’est plus branché
Selon Sébastien Duprat, cofondateur et président de Cycle Up – une plateforme qui propose des matériaux d’occasion aux constructeurs – l’utilisation de matériaux recyclés n’est pas une préoccupation pour la majorité des utilisateurs ou des habitants des bâtiments : “La ville ne peut être rénovée qu’à hauteur de 1% chaque année, donc la ville de 2030 est déjà présente à 93%. Les personnes qui occupent des logements sociaux ne font pas attention à la réutilisation de certains matériaux, et ceux qui achètent dans l’ancien achètent en fonction du prix au mètre carré et non au coût du plancher ou du tuyau. Au final, ceux qui choisissent leurs matériaux ne représentent qu’une petite partie du marché qui ne s’étend pas.” L’utilisation de matériaux d’occasion est donc d’autant plus opportune.
La dynamique changeante des chaînes d’approvisionnement provenant principalement d’Asie, causée par l’augmentation des prix, les effets de la tactique chinoise du “zéro carbone” sur l’industrie de l’architecture, ainsi que les difficultés logistiques, rend l’utilisation de matériaux recyclés encore plus pertinente. Les systèmes de valeurs s’adaptent. Les constructeurs reconnaissent la noblesse des matériaux pré-utilisés, qui sont de meilleure qualité pour une fraction du prix, et offrent un potentiel de conception remarquable. Les préférences évoluent et le neuf n’est plus la tendance, remarque Sébastien Duprat.
Une pléthore d’initiatives
Guillaume Bazouin constate que les jeunes diplômés d’aujourd’hui ont de nouvelles aspirations quant à leur choix de carrière. Alors qu’il y a 15 ans, ils auraient peut-être opté pour de grandes entreprises, les dernières promotions de jeunes pousses de Leonard indiquent qu’ils cherchent désormais à créer des entreprises axées sur la réutilisation des matériaux et l’utilisation de béton à faible teneur en carbone. Pour y parvenir, Leonard n’a pas modifié sa politique de recrutement, mais a plutôt adopté ce changement d’attitude en faveur de la préservation de l’environnement. La conception générative automatisée, ainsi que les optimisations à coût marginal nul, peuvent réduire les émissions jusqu’à 50 %, et il est intéressant pour les entreprises de former des partenariats avec ces start-up afin de réduire leurs propres émissions.