Les propriétaires doivent réévaluer leurs accords avec les locataires à la lumière des dilemmes économiques et énergétiques. Les entreprises doivent faire preuve d’une plus grande adaptabilité et réduire leur présence immobilière, qui influence désormais leurs décisions.
Depuis janvier, le coworking connaît un regain d’intérêt avec 115 000 m² loués, soit 8 % de la demande à Paris. Et ce, malgré un climat économique tendu, les entreprises réévaluant leurs besoins en bureaux et optant pour des contrats de services, moins contraignants que les baux 3-6-9.
Fabrice Le Roux, directeur de Workthere, la plateforme visant à fournir des bureaux flexibles à Savills France, note que si 40 % des espaces de bureaux sont inoccupés, les utilisateurs cherchent à maximiser leur utilisation en recourant à un modèle flexible adapté aux structures de travail modernes.
À Paris, la proportion de bureaux flexibles est encore relativement faible, puisqu’elle ne représente que 3,5 % du parc immobilier commercial total. Le contraste est saisissant avec Londres, où ce chiffre dépasse les 6 %, et pourrait même atteindre près de 20 % dans les prochaines années. Les sociétés immobilières répondent à cette tendance en créant des services de location innovants, tels que Imagin’Office d’Icade et Secondesk de Gecina. Clément Boisset, directeur chez BearingPoint, note que ces propriétaires commerciaux s’adaptent à l’évolution du marché en ” s’orientant vers une approche servicielle qui vise à augmenter l’attractivité de leurs immeubles.
Dynamisme en régions
Le succès des formules de bureaux ” à la carte ” est particulièrement visible dans les zones régionales de l’Ouest de la France. En 2022, le groupe Giboire a ouvert trois sites de coworking ” Le Pod ” à Rennes et Angers, qui permettent de proposer une gamme de services et d’événements tels que du coaching sportif, des ateliers de groupe ou encore de la sophrologie. Ces espaces sont idéalement situés près des gares et s’adressent majoritairement aux professionnels des filiales des entreprises.Olivier Biancarelli, directeur général des activités de promotion immobilière de Giboire, commente : “Les entreprises s’associent au coworking pour offrir à leurs salariés un environnement alliant convivialité et qualité de vie au travail.”
D’abord axés sur les jeunes entreprises, les opérateurs ont adapté leurs services pour répondre aux besoins des grandes organisations ces dernières années. En pleine expansion, le bureau opéré est une solution qui permet aux entreprises d’occuper tout ou partie d’un bâtiment, la gestion étant prise en charge par un tiers. Cette approche globale permet de minimiser le coût de l’immobilier dans le budget de l’entreprise tout en s’adaptant aux besoins de l’utilisateur.
Matthieu Sorin, cofondateur de Hiptown (Groupe Nexity), spécialiste des bureaux opérés, commente : “Nos locataires concluent un contrat minimum de douze mois avec la possibilité de renégocier l’espace loué ou de prolonger le contrat après l’année écoulée, en fonction de leur développement.”
Des baux plus « verts »
L’émergence des politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) au sein des sociétés a incité les bailleurs à encourager la durabilité dans les bureaux. L’annexe environnementale, qui est entrée en vigueur légalement en 2013 mais n’a pas été largement mise en œuvre jusqu’à récemment, exigeant que les propriétaires et les locataires prennent des mesures écologiques et travaillent à améliorer l’efficacité énergétique, a refait surface en raison du nouveau décret tertiaire. Clément Boisset affirme que “les grands bailleurs en ont fait leur priorité pour aider les locataires à atteindre leurs objectifs énergétiques. Ils ont transformé ce qui était autrefois une charge en un élément fondamental de leur relation contractuelle.”
Le bail “vert” de Keys REIM a intégré une clause qui encourage les pratiques environnementales coopératives entre les bailleurs et les locataires. Selon Hugues-François Courtois, responsable de l’investissement socialement responsable chez Keys REIM, le partage des données du bâtiment, autrefois considéré comme intrusif, est désormais demandé par les locataires. C’est devenu une nécessité pour les entreprises qui souhaitent obtenir la certification B-Corp.
En raison de la crise énergétique, les modèles de bureaux sont poussés à évoluer et à être plus respectueux de l’environnement. Ce changement a été propulsé par les jeunes générations, qui prennent les causes environnementales au sérieux, poussant les entreprises à adopter une vision plus holistique de leurs bâtiments, plutôt qu’un esprit uniquement monétaire. Guillaume Savard, fondateur d’Upside Partners, résume ce changement en disant que le mouvement vert et la réduction de l’empreinte immobilière des entreprises contribuent à accélérer la transition en matière de baux.